Jacques-Emile Ruhlmann est considéré comme l’un des plus emblématiques représentants de l’Art déco. Son œuvre caractéristique résume à elle seule l’âme et l’esthétique de ce mouvement à l’aube du XXème siècle. Né en 1879 à Paris de parents alsaciens, Ruhlmann travaille très tôt dans l’entreprise paternelle spécialisée dans les peintures en bâtiment, la miroiterie, les papiers peints, la dorure et les vitraux. A la mort de son père en 1907, il prend sa succession et développe l’activité de l’entreprise en proposant dès 1913 un service de « meublier-décorateur ». Ruhlmann s’initie alors pour la première fois à l’art de la décoration mais cette activité reste secondaire pour le moment. Durant cette période, il s’initie aussi à la création de meuble en dessinant du mobilier destiné à son propre appartement.
En 1913 toujours, il présente ses créations au Salon d’Automne. Ses bergères et autres meubles connaissent un vif succès. Dès lors, son engouement pour la création de mobilier prend vite le dessus sur le reste de ses activités.
En 1919, il s’associe avec son ami Pierre Laurent et fonde les Etablissements Ruhlmann et Laurent à Paris. Les Etablissements conçoivent des meubles, des lampes, des papiers peints et des tapis.
Ruhlmann ne réalise pas lui-même ses pièces. Il n’est pas artisan. Il les conçoit, les pense, les dessine mais laisse l’exécution à des spécialistes (voir notre article sur les ébénistes par l’Usine à Design)
Dans un premier temps, il fera donc réaliser ses pièces par des artisans extérieurs. Puis au fur et à mesure que les Etablissements Ruhlmann et Laurent se développeront, il emploiera ses propres artisans et dès 1924 il sera à la tête d’une entreprise de production de meubles employant pas moins de vingt-sept ébénistes et une dizaine d’autres spécialistes.
Si il ne participe pas à la réalisation des pièces, Ruhlmann n’en est pas moins présent lors de la phase de réalisation des pièces. Il sera toujours là dans les ateliers, au plus près des artisans et sera très exigeant avec eux pendant tout le process de fabrication. Méticuleux, presque maniaque, il poussera ses hommes à aller puiser au plus profond de leur savoir-faire, l’objectif étant d’obtenir d’eux des meubles d’une extrême précision, réglés au millième de millimètre près. Il auscultera chaque projet dans le moindre détail pour s’assurer de ne livrer que des pièces uniques sans un seul défaut.
En 1925, c’est l’Exposition Internationale des arts décoratifs à Paris.
Ruhlmann y présente la plupart de ses réalisations dans un pavillon appelé « l’Hôtel du Collectionneur ». Cette exposition le révélera au grand public et lui permettra de voir sa notoriété s’envoler.
Dans ce pavillon conçu par l’architecte Pierre Patout, le public découvre des pièces en acajou de Cuba, en ébène de Macassar, le tout intégrant des incrustations d’ivoire, de nacre, des poignets en soie ou en métal luxueusement travaillé. Le public découvre aussi de magnifiques laques et des tapis ornés de motifs géométriques.
Véritable triomphe du luxe, « l’Hôtel du Collectionneur » définit à lui seul l’esthétique de Ruhlmann : utilisation de matières rares et coûteuses, goût pour les placages sophistiqués en galuchat, en cuir, en peau de crocodile, prédilection pour la marqueterie avec des incrustations d’ivoire, de nacre et d’écailles de tortue.
A l’issue de cette exposition, les commandes affluent en masse.
En 1927, il est mandaté pour décorer la salle des fêtes et des délibérations de la Chambre de Commerce de Paris.
Cette même année, il réalise une partie de la décoration du paquebot « Ile-de-France », ce qui lui permet d’asseoir sa notoriété en figurant parmi les plus grands décorateurs du début du siècle ayant participé au projet : Louis Süe, André Mare et Jules Leleu.
Dès 1925, face à l’arrivée de créateurs plus « modernistes » qui utilisent des matériaux moins nobles issus de la production industrielle, Ruhlmann sait rebondir et propose à sa manière de nouvelles pièces en phase avec l’évolution du mouvement « Art déco » : des pièces plus simples composées de structures métalliques alliées à des bois clairs et moins coûteux comme le merisier.
En 1933, Ruhlmann décède des suites d’une maladie. Comme il l’avait souhaité, son entreprise ne continuera pas après sa mort.
Aujourd’hui Jacques-Emile Ruhlmann tient une place de première importance dans l’histoire du mobilier. Il est à la fois le représentant d’un art décoratif classique et d’un art décoratif plus moderne, tel un passeur de relais entre la tradition et les styles à venir.
